Les expériences et résultats obtenus à partir des mesures effectuées à l’hôpital de Kungälv ont permis d’acquérir des connaissances précieuses pour l’étude de terrain finale en République démocratique du Congo, notamment en ce qui concerne l’emplacement des purificateurs d’air (hauteur, distance les uns par rapport aux autres, etc.) et la capacité de purification d’air requise. Nous avons également découvert quel était l’impact des vêtements et des équipements de protection sur les bactéries et les particules en suspension dans l’air.
Les résultats obtenus à Kungälv ont également incité à revoir légèrement la conception des purificateurs d’air. En conséquence, le fabricant suédois Light Air a mis au point un nouveau prototype. Il est doté de la même technologie avec filtration électrostatique que le modèle précédent, mais il présente une capacité supérieure et un filtre rectangulaire droit plus facile à laver.
Deux hôpitaux ont été identifiés dès la description du projet pour l’installation et les tests, tous deux à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, qui jouxte le Rwanda à l’est. Le premier est l’hôpital Panzi (Figure 1), qui compte quelques 450 employés et qui est connu pour le travail du Dr Denis Mukwege, lauréat du Prix Nobel de la Paix, en faveur des femmes victimes de violence sexuelle. Le deuxième, plus petit, est l’hôpital CELPA situé en centre-ville (Figure 2) qui compte un peu plus de 60 employés. Au total, la mission s’est déroulée sur trois semaines à Bukavu.
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Résultats
Les mesures au Congo ont donné de bons résultats. Les installations ont un impact significatif sur la quantité de bactéries en suspension dans l’air. Un air très pur a été obtenu en dépit de conditions difficiles. Les mesures ont également démontré que vêtements et équipements de protection jouaient un rôle évident, même dans les conditions de l’étude.
Les résultats ont été particulièrement bons dans l’hôpital CELPA, là où les purificateurs d’air ont pu être installés comme prévu. Au bloc opératoire, la teneur en bactéries a été réduite en moyenne de 96 %, passant de 1 700 à 60 CFU/m3 (CFU = colony forming units = unités formant des colonies) durant une intervention chirurgicale grâce à la présence de six purificateurs d’air, bien que leur capacité ait été réduite d’environ 20 % du fait de la tension basse sur l’ensemble de l’hôpital (environ 200 V au lieu de 230 V). La teneur en bactéries obtenue est conforme aux normes suédoises1 préconisant un maximum de 100 CFU/m3 en chirurgie générale, et de 10 CFU/m3 en chirurgie particulièrement sensible aux infections (Tableau 1).
Table 1: Résultats de l’hôpital CELPA – opérations réelles.s.
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L’étude a également permis de quantifier les effets des vêtements et des « bottes », qui sont apparus plus clairement lors des opérations simulées, dans des conditions contrôlées où ces paramètres ont pu être isolés (Figure 3).
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Installations
Bien que les hôpitaux disposent de nombreux blocs opératoires, l’objectif tout au long de l’étude était d’installer le concept dans un seul bloc opératoire par hôpital.
En octobre 2024, les équipements suivants ont été acheminés par avion à Bukavu, en République démocratique du Congo :
- douze purificateurs d’air (Light Air) ;
- deux ventilateurs d’alimentation en air avec conduites, filtres, etc. ;
- deux deshumidificateurs (Woods) ;
- des vêtements jetables (Mölnlycke Health Care).
L’ensemble de ce matériel est arrivé à Bukavu en novembre, après quoi l’installation a pu commencer.
Installation temporaire à l’hôpital Panzil
L’emplacement prévu étant encore en construction, nous avons dû réaliser une installation temporaire dans un bloc opératoire moderne adjacent dénommé AMISI (African Institute for Minimally Invasive Surgery). Le bâtiment AMISI dispose de plusieurs blocs opératoires. On nous a attribué un bloc utilisé principalement pour de la chirurgie urologique et gynécologique, avec un équipement chirurgical moderne et des surfaces en tôle et en verre, cf. Figure 4. Le bloc disposait également d’un système d’alimentation en air mécanique, mais il était réglé sur un débit très faible. Le système d’évacuation de l’air était éteint. Un purificateur d’air de petite taille se trouvait dans la pièce, mais il était également réglé sur de faibles débits. Les mesures de dilution ont montré que le système de ventilation ne fournissait qu’un débit d’air pur (CADR pour clean air flow rate) d’environ 30 l/s et l’épurateur d’air d’environ 36 l/s.
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Pour des raisons d’encombrement, et pour éviter d’abimer murs et plafonds, les purificateurs d’air ont été empilés au sol, de part et d’autre de la pièce. Voir figure 5 – 7. Le deshumidificateur a été également posé sur le sol, ce qui a nécessité de percer un trou à travers le cadre de la porte afin de drainer l’eau de condensation via un conduit. L’emplacement choisi était le seul adapté, compte tenu des conditions.
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Les blocs opératoires situés dans le bâtiment AMISI disposent de grandes portes coulissantes dotées de capteurs permettant une ouverture et une fermeture automatique. Toutefois, la fermeture des portes n’est pas hermétique au niveau du sol et des murs, ce qui signifie que les faibles débits d’air du système de ventilation ne parviennent pas à créer une surpression mesurable vers le couloir ou l’extérieur.
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Une fois les travaux de construction de l’hôpital Panzi achevés, les équipements temporairement installés dans le bâtiment AMISI seront déplacés et installés de manière permanente dans l’un des blocs du nouveau bâtiment. Cependant, comme les nouveaux locaux ne disposeront pas de ventilation, une unité d’alimentation en air sera également installée (même conception qu’à l’hôpital CELPA ; voir ci-dessous).
Installation permanente à l’hôpital CELPA
À la différence de l’hôpital Panzi, le CELPA est plus représentatif du contexte africain en ce qui concerne les matériaux de construction, les équipements etc. L’hôpital dispose de deux blocs opératoires dans un même bâtiment, l’un utilisé principalement pour de la chirurgie orthopédique, l’autre pour d’autres interventions chirurgicales, dont de nombreuses césariennes. Dans la mesure où la chirurgie orthopédique est très sensible aux infections, c’est dans ce bloc que l’installation a été réalisée. La pièce est légèrement plus petite que celle du Panzi, mais elle nous a donné l’impression d’être plus spacieuse car elle contenait moins de meubles et autres équipements.
La pièce ne disposait d’aucun système de ventilation mécanique. Il y avait quatre trous d’aération avec moustiquaire juste sous le faux plafond, mais ceux-ci ont été immédiatement colmatés avec des planches en bois à la demande de la direction de l’hôpital.
Les six purificateurs d’air ont été accrochés à trois des murs de la pièce, à proximité du plafond, et inclinés vers le bas en direction du patient (Figures 8 et 10). Une unité d’alimentation d’air a été installée dans les couloirs situés à l’extérieur du bloc opératoire. Elle comprenait un filtre grossier (classe du filtre : G4), un filtre fin (classe du filtre : F7) et un ventilateur (Figures 9 et 10), ainsi que quelques conduits. Dans le couloir, une porte était ouverte sur la cour en permanence, à environ quatre mètres de l’unité de ventilation.
Au départ, le flux du ventilateur devait être de 80 l/s afin de créer une légère surpression dans la pièce (1,5 Pa). Cependant, le ventilateur s’est arrêté plusieurs fois sans raison apparente, peut-être du fait de la tension irrégulière et faible dans la région. Une fois le flux d’air abaissé à 20 l/s, le problème a disparu. La surpression dans la pièce est alors descendue à presque zéro.
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Méthode
L’impact des purificateurs d’air et des vêtements a pu être quantifié en mesurant la teneur en particules et en bactéries de l’air. Les bactéries ont été mesurées avec un échantillonneur biologique actif (Klotz Impaktor, FH6), et la teneur en particules a été mesurée à l’aide d’un compteur de particules (TSI AeroTrak, 9303). Les instruments de mesure ont toujours été placés aussi près que possible de la plaie chirurgicale, ce que signifie, dans la pratique, entre 50 et 70 cm (voir Figures 11 et 12). Le personnel chargé d’effectuer les mesures se tenaient à bonne distance de la plaie chirurgicale.
Outre les mesures effectuées lors d’une intervention chirurgicale réelle, des mesures ont également été effectuées lors d’une intervention chirurgicale simulée dans des conditions contrôlées et limitées :
- nombre de personnes présentes et leur positionnement (toujours deux personnes au niveau de la table d’opération et une personne dans l’angle de la pièce) ;
- ouverture des portes (toujours fermées) ;
- vêtements (voir figures 13 et 14) ;
- activité physique.
Ce dernier élément a été assuré grâce à un cycle d’essai exclusif et limité dans le temps avec des schémas de mouvement prédéterminés et chirurgicalement semblables.
Au cours des opérations réelles et simulées, les mesures initiales ont été effectuées dans des conditions initiales pour déterminer une référence. À l’hôpital Panzi, la ventilation habituelle était activée, de même que le purificateur d’air existant. En outre, l’ensemble du personnel portait des vêtements en100 % coton. Dans le même contexte, l’hôpital du CELPA ne disposait d’aucune ventilation, mais les vêtements des observateurs et des assistants étaient plus modernes et constitués de matériaux synthétiques (65 % de polyester et 35 % de viscose), bien qu’ils aient subi de nombreux lavages. Cependant, à l’hôpital CELPA, le chirurgien et son assistant portaient principalement des vêtements en coton. Une fois la référence établie, les mesures ont suivi là où les nouvelles installations ont été activées. L’impact des vêtements jetables portés par le personnel se tenant au plus près du patient a également fait l’objet de mesures.
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Collaboration avec le personnel de l’hôpital
Le personnel s’est montré très coopératif et beaucoup ont souhaité en savoir plus sur le projet. Nous avons donc organisé des séances d’information avec plusieurs membres du personnel et leur avons expliqué le contexte, l’objectif, la méthode, la technologie et le concept dans son ensemble. Nous leur avons également montré comment laver avec de l’eau les filtres des purificateurs d’air, et comment changer les filtres de ventilation et du deshumidificateur. Dans le cadre de ces séances, nous avions une feuille de plastique au format A3 qui expliquait le concept et son contexte, etc. (Figure 15). Ce document montrait également à quelle fréquence les filtres devaient être lavés/changés. Les dates sont notées dans les champs blancs. Les illustrations ont été réalisées par l’agence de design suédoise BOID. Elles étaient disposées de manière bien visible sur le site.
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Les membres du personnel technique de l’hôpital Panzi ont reçu des instructions sur la manière de réaliser l’installation permanente. Ils ont également visité l’hôpital CLEPA pour découvrir l’installation.
Enfin, le personnel et les responsables des deux hôpitaux ont exprimé leur gratitude et nous avons reçu plusieurs demandes d’installations supplémentaires dans d’autres blocs opératoires.
Discussion
Des études cliniques réalisées sur plusieurs décennies au cours du XXe siècle montrent que la mauvaise qualité de l’air dans les blocs opératoires est un facteur de risque d’infections postopératoires2 . Les blocs opératoires des hôpitaux disposant de moyens financiers et techniques sont donc équipés de dispositifs de ventilation poussés, qui leur fournissent de l’air pur, mais à un coût économique et technique élevé.
Dans les pays à faible revenu, de telles installations techniques ne sont pas réalisables. Dans le même temps, des études antérieures, comme celle de Lancet3, montrent que la fréquence des infections du site opératoire (ISO) est élevée dans les pays à faible revenu. Dans un tel contexte, les conditions locales telles que la qualité de l’air et des vêtements sont des facteurs déterminants.
La présente étude réalisée dans deux hôpitaux de la République démocratique du Congo a démontré que la présence de simples purificateurs d’air réduisait considérablement les quantités de particules et de bactéries en suspension dans l’air (en association notamment avec des vêtements appropriés), ce qui peut avoir un impact positif sur les ISO. À cet égard, des études cliniques prospectives de suivi seraient très intéressantes.
Remerciements
Nous tenons à exprimer notre sincère gratitude à tous ceux qui nous ont aidés durant notre séjour en RD Congo. Au risque d’en oublier certains, nous tenons à remercier tout particulièrement le personnel médical de l’hôpital de Panzi et de l’hôpital CELPA, représenté dans ce cadre par M. Asher Ngabo, Dr. Aline Kusinza, Dr Sosthene Birhange et M. Badarhi Bahati. Enfin, nous tenons également à remercier M. Ben Pletincx (BST Medical BV) et Dr Angélique Neema Ciza (MGP System) pour toute leur aide liée à l’administration du transport.
- SIS (2015). Teknisk specifikation SIS-TS 39:2015 – Mikrobiologisk renhet i operationsrum – Förebyggande av luftburen smitta – Vägledning och grundläggande krav. SIS Förlag AB 2015. ↩︎
- Lidwell OM et al. Effect of ultraclean air in operation rooms on deep sepsis in the joint after total hip or knee replacement – A randomized study. Br Med J 1982; 285: 10-14. ↩︎
- Global Surg Collaborative. Surgical site infection after gastrointestinal surgery in high-income, middle-income, and low-income countries: a prospective, international, multicentre cohort study. Lancet Infect Dis 2018; 18: 516 – 525. ↩︎